Ondes et racines
- Vincent Heldenbergh
- 28 janv. 2016
- 2 min de lecture
Ondes - racines,
Emporté par les flots, à l'aube de l'adolescence, emporté par le temps, à l'aube de la vieillesse, je suis assis, là, sur un banc froid et humide. Le héron s'est envolé et j'écoute le roulis d'une eau frémissante. Emporté par ces sons, continus, creusant doucement leurs sillons, je m'évade au fond de ma mémoire, celle d'un vieux phonographe, où se disputent, au loin, Duke Ellington et le formidable orchestre de Glenn Miller.
Du fond de ma mémoire, celle où j'avais cinq ans. Le règne de l'enfance insouciante. Je me souviens. Assis sur cette petite chaise, humer l'odeur de ce tendre cacao préparé avec tant d'amour par cette gentille Soeur dont j'ai perdu le nom. Te souviens-tu de tes dix ans ? L'unique poêle, central, odeur âcre au milieu d'une classe bancale, chalet de notre savoir.
Eva, naissance, jeux de maux, s'efface, comme un gros bug qui traverse sans s'arrêter toute ma mémoire morte. J'essaie de la raviver aux rythmes endiablés, ...
Après une minute de silence, ...
En culotte courte, genoux écorchés, je me souviens. Elle n'était qu'une bande de béton, séparant notre cour solide de cette prairie aux interminables parties de foot. Notre piste de course où s'affrontaient sans peur l'Aston Martin de 007, avec le siège éjectable, mais qui l'avait perdu et ces voitures improbables, sans roues, véritables débris, rafistolés, renforcés aux rouleaux papier-collant, mais qui filaient droit. La grande évasion de nos récréations.
Tu me souviens d'une lettre, écrite à l'encre rouge, le sang de mes veines que je voulais répandre, cette envie d'en finir. La folie, en pleine interrogation de mathématique, d'écrire un roman à ce prof de math, préfet. Il faut de la force pour se suicider, par pour appeler au secours. Je devais avoir treize ans, peut-être un peu moins. 74 Cloclo pleurait au téléphone, 68 commençait ses ravages au sein des couples, à jamais séparés. Je n'étais pas heureux, pas malheureux non plus. Petit homard, changeant de carapace. Affronter et craindre ce prof de langues, qui, finalement, aura toujours été un frein dans cet apprentissage, et apprendre, bien plus tard, que lui a choisi ce chemin pour terminer sa vie. Pause. Regarder sur son gsm le temps qui passe. C'est étonnant comme ce temps ralentit, hors des vidéos, du bruit, de l'agitation. Dix minutes, un quart, n'ont pas les mêmes valeurs. Enfin, l'agitation d'un chien, les aboiements vers ce vieux maître qu'il respecte et qu'il entraîne dans ses jeux. Me voilà sorti de mes rêves, de mes oublis. Je m'en vais affronter, mois aussi, l'agitation frénétique. Au loin, privilège de la vieillesse d'arrêter le temps, dans la recherche du silence ou à l'écoute d'un chant d'antan.
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